Retour de voyage

Illustrations, Voyages
Arbre Anonyme – disponible
A4

Aujourd’hui je roule, émue, mon

Au pieds du Canigou, je suis émue. Je me rappelle l’été durant lequel nous l’avions gravi. Une longue promenade pour Filippo et moi, quelques années plus tôt. Une dizaine de kilomètres et 1500m de dénivelé, le sommet fut bien mérité. 

Aujourd’hui je roule, émue, mon compagnon conduit, et je regarde le paysage en cherchant des détails que je pourrais reconnaître, en dehors de la montagne. La saison est différente, et la douceur exceptionnelle du mois de février en cette année 2019 a précipité l’arrivée du printemps. Ainsi les champs d’arbres fruitiers en fleurs défilent devant nos yeux. Au fur et à mesure que nous avançons ils se font plus rares. Et soudain je réalise : bientôt nous prendrons de la hauteur direction Andorre, et ces arbres roses, blancs, fuchsias auront disparus. Et je comprends que « plus tard » n’existe déjà plus. Plus tard c’est peut-être jamais. Alors l’urgence me donne du courage : Marc, arrêtons-nous si tu veux bien ! M’accorderais-tu une demie heure pour rencontrer un de ces arbres ? « Nous n’avons pas de rendez-vous si ce n’est avec la fin du jour, alors oui, d’accord. Je vais faire un café, ne te presse pas » . 
Emplie de ma mission, j’attrape une chaise de camping et nous descendons vers le champs. Il faut traverser un bosquet picotant et descendre un talus assez raide ; nous montrons le chemins à nos chiennes des villes, qui hésitent… Et moi aussi j’hésite, le choix est cornélien : quel arbre ? Après une brève observation des cinq premiers de la rangée la plus proche, je m’installe. Et le temps s’arrête. Je suis exactement là où je devrais être, au moment présent. J’entends tout. Les insectes, les oiseaux, les voitures au loin. J’entends les chiennes jouer, et j’entends Marc me dire « je remonte au camion faire un café ». J’entends tout et je ne pense à rien. J’observe. Je rencontre chaque décimètre de cet arbre et je découvre comment s’organise son apparence. C’est un petit arbre, selon mes critères, avec une forme façonnée par l’Homme, il est tronqué. Il est ficelé à la base du tronc, accroché à un tuyau noir. Ses branches fines sont fournies en fleurs et en bourgeons, il n’a pas l’air malade. 
Le temps passe trop vite pour beaucoup trop de détails à comprendre et à décrire ; une bonne heure déjà et je ne sens plus mon pieds gauche. Envahie de fourmis, je remonte péniblement au camion ; tout le monde m’attend, il n’y a plus de café et mon arbre fruitier anonyme n’est pas terminé. Peu importe, j’ai son empreinte, je lui broderai des branches et des fleurs, et sa couleur survivra au temps, à jamais le fantôme de mon noir et blanc.

Cette chaise longue a été dessiné en mars. Cependant je la présente à nouveau puisqu’il m’est venu l’idée d’écrire un petit texte pour l’accompagner.

Long et Mou – disponible
A4

Il fait beau, et assez chaud. Assez chaud pour rester dehors, et suffisamment frais pour dessiner. Cette chaise longue a été sortie pour moi. À l’instant, Biquette mon hôte, est allée la sortir de son point de repliement; elle l’a sortie de l’ombre, de l’hiver. Sans y penser, Biquette l’a sortie de son inexistence pour me l’installer dans le jardin. Alors la chaise et moi avons existé ensemble. Il était question d’un repos je crois. Un repos pour la malade, un travail pour lachaise. Pourtant l’équilibre de notre existante commune fut établi autrement. Je concentrai toute mon énergie sur cette chaise, pendant qu’elle se reposait au soleil ; la tension qu’elle aurait pu connaître à mon contact s’exprima seulement dans l’attention que je lui portai. Et les craquements de ses articulations sous mon poids ne s’entendirent jamais. À la place, le silence d’un jardin en ville, les oiseaux, les insectes, des bruits de voitures au loin, qui m’inquiètent parfois… Sont-ils déjà rentrés du marché ?! Mince, je n’ai pas fini. Ah non ça va, les sons venaient de la rue. Vite, je trace les dernières lignes, vite avant que la fièvre ne revienne, avant que les amis ne rentrent et que quelqu’un ne décide de s’allonger sur la chaise, avant que notre équilibre particulier soit oublié.

La Chambre – disponible
A4

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